vendredi 23 octobre 2015

Les aventures du paraboloïde elliptique (et de sa structure naturelle de plan euclidien)

Une des merveilles de la géométrie projective réelle est que, dans un espace affin complété de dimension 3, la surface d'un paraboloïde elliptique possède une structure naturelle de plan euclidien. Comme un paraboloïde elliptique n'est essentiellement rien d'autre qu'une quadrique ovale projective sur laquelle on a fixé un point à l'infini, n'est-il pas fascinant de constater que toute la structure du plan euclidien, avec ses parallèles et ses perpendiculaires, ses rotations et antirotations, est en quelque sorte comprise dans celle, beaucoup plus élémentaire, d'une quadrique ovale, et que toute la construction du plan euclidien revient alors simplement à fixer sur cette quadrique un point "à l'infini" ?

Pour bien comprendre cela, quelques explications s'imposent. Un plan euclidien réel est essentiellement  un plan projectif réel (basé sur le corps des réels) dans lequel on a fixé une "droite à l'infini" (ce qui en fait un plan affin réel) et une conique ovale de référence qu'on appelle "cercle unité" (ou "cercle" simplement). Les coniques sont des courbes algébriques du deuxième degré ; elles doivent leur nom au fait qu'on les obtient toutes comme sections d'un cône par un plan. Les cercles, les ellipses, les paraboles, les hyperboles, dans un plan euclidien, sont des coniques. Dans un plan projectif, ces quatre types de coniques se réduisent à un seul, les coniques ovales, ce qui simplifie leur étude. Un couple de droites est aussi une conique, mais dégénérée. Une conique est dégénérée si elle contient des droites. Dans le plan projectif, les coniques non dégénérées sont les ovales.
Voir l'article "Bereshit ou les passionnantes aventures du plan projectif" pour plus de précisions sur ce dernier. En fixant dans le plan projectif une droite "à l'infini", on obtient un plan affin complété : deux droites qui se coupent "à l'infini", c'est-à-dire en un point de la droite à l'infini, sont dites parallèles. Le parallélisme est une structure fondamentale du plan affin. Une conique qui ne rencontre pas la droite à l'infini est appelée une ellipse.
Si dans le plan affin on fixe une ellipse de référence et qu'on l'appelle "cercle", on peut définir une nouvelle structure, l'orthogonalité, et l'on obtient alors un plan euclidien. Les grandes étapes sont les suivantes :

1. Fixer l'ellipse de référence (le "cercle unité de référence").
2. Toute ellipse qui s'obtient à partir de l'ellipse de référence par une affinité qui fixe les points à l'infini, c'est-à-dire un couple homothétie-translation (les homothéties et les translations sont en effet les deux seuls types d'affinités, c'est-à-dire de transformations automorphiques du plan affin, qui fixent tous les points à l'infini) sont appelées des cercles ; les cercles sont donc par définition une classe d'ellipses stable par le groupe des homothéties-translations et qui comprend l'ellipse de référence.
3. Maintenant qu'on a défini les cercles, on peut définir l'orthogonalité : deux droites sécantes sont orthogonales si elles sont conjuguées par rapport à un cercle ayant pour centre leur point d'intersection, c'est-à-dire si le pôle de l'une par rapport à un tel cercle est compris dans l'autre et vice-versa (pour la notion de pôle, voir l'article "Bereshit").
4. On peut enfin définir une rotation ou une antirotation : c'est une affinité qui fixe un point et conserve l'orthogonalité, ou encore, conserve les cercles centrés en ce point. Les rotations et antirotations de centre fixé forment un groupe, avec les rotations comme sous-groupe propre : le produit de deux rotations ou antirotations est toujours une rotation, le produit d'une rotation et d'une antirotation est toujours une antirotation. Une antirotation peut se voir comme la composée d'une rotation et d'une symétrie orthogonale par rapport à un axe passant par le centre de rotation. Finalement, on démontre facilement que l'image d'un cercle par une rotation ou antirotation est toujours un cercle.

On a défini ainsi toutes les caractéristiques de la structure euclidienne (en dimension deux). On voit ainsi qu'un plan euclidien est essentiellement un plan projectif dans lequel on a fixé une droite et une conique extérieure à cette droite (qui ne la rencontre en aucun point). En étudiant les transformations du plan affin qui conservent la conique fixée, on décrit les deux structures caractéristiques du plan euclidien : l'orthogonalité entre droites et la distinction entre cercles et ellipses ordinaires. On peut ensuite peaufiner et définir des mesures d'angles et de distances, basées sur les cercles. Tout ceci en langage géométrique ; cela se traduit aisément aussi en langage algébrique : fixer une conique est la même chose, algébriquement, que fixer une forme quadratique définie positive, le "produit scalaire".

Pour ceux à qui toutes ces notions ne sont pas familières, rassurez-vous, ce n'est pas aussi compliqué que ça en a l'air : dans un plan euclidien, il y a des droites parallèles - qui se coupent à l'infini - et des droites perpendiculaires ou orthogonales. La notion  de droites orthogonales est la structure fondamentale du plan euclidien (en plus de la structure d'incidence qui dérive du plan projectif qui le sous-tend). Les droites perpendiculaires ont plein de propriétés intéressantes, elles permettent de définir des distances grâce au "théorème de Pythagore", mais elles sont juste un cas particulier de droites conjuguées par rapport à une conique. Dans un plan projectif (ou affin d'ailleurs), la conjugaison est une relation définie entre deux droites par rapport à une conique. Elle signifie que le pôle d'une de ces droites, par rapport à une conique ayant pour centre leur point d'intersection, est situé sur l'autre et vice-versa. Toute conique associe en effet à une droite un point qui est son "pôle" par rapport à cette conique, et pour comprendre bien cette notion, reportez-vous à l'article "Bereshit" où tout cela est expliqué en long et en large. Donc, quand on fixe une conique sans point à l'infini, c'est-à-dire une ellipse, dans le plan affin, les droites conjuguées par rapport à cette conique, ou à une autre qui s'obtient à partir de celle-là par une homothétie-translation, sont appelées "orthogonales" ou "perpendiculaires", et on a alors un plan euclidien, avec des triangles rectangles qui vérifient le théorème de Pythagore, et des distances mesurables. Voilà toute l'affaire. On ne comprend bien l'orthogonalité que si l'on comprend d'abord les pôles et polaires et les droites conjuguées par rapport à une conique.

 Maintenant, nous n'avons pas encore parlé sur ce site de l'espace projectif tridimensionnel ; bon, disons que c'est un espace tridimensionnel, avec des points, des droites et des plans, régi par des axiomes similaires à ceux du plan projectif : par deux points passe une et une seule droite, par trois points passe un et un seul plan, deux plans ont toujours une droite en commun et chaque plan est un plan projectif. Nous verrons cela plus en détail dans un autre article s'il plaît à Dieu. Et un espace affin tridimensionnel complété est un espace projectif dans lequel on a fixé un "plan à l'infini", ce qui permet de voir inversement l'espace projectif comme un espace affin complété par les "points à l'infini" des faisceaux de droites parallèles et homogénéisé. 
Une quadrique est une surface du deuxième degré, c'est-à-dire dont l'intersection avec un plan est toujours une conique, en gros. Dans un espace affin, les différents types de quadriques sont :  les ellipsoïdes, les paraboloïdes elliptiques, les paraboloïdes hyperboliques, les hyperboloïdes à une nappe et les hyperboloïdes à deux nappes. Dans un espace projectif, ces cinq types de résument à deux  : les quadriques ovales (qui ne contiennent pas de droites) et les quadriques réglées (qui en contiennent). Ce sont les quadriques non dégénérées, c'est-à-dire qui n'ont pas de points doubles ; un point double est un point comme le sommet d'un cône, où la surface se "recoupe" elle-même. Les cônes ont un point double, c'est un exemple de quadrique dégénérées. Deux plans sécants ont une droite de points doubles, leur intersection ; c'est un exemple de quadrique encore plus dégénérée !
Concentrons-nous sur les quadriques non dégénérées, et surtout sur les ovales.
Dans un espace affin, il y a trois types d'ovales, selon la façon dont elles rencontrent le plan à l'infini.

Si elle ne le rencontre pas : c'est un ellipsoïde.
Si elle le rencontre en un point : c'est un paraboloïde elliptique.
Si elle le rencontre selon une conique ovale : c'est un hyperboloïde à deux nappes.

Voici à quoi ressemble une quadrique ovale dans un espace projectif, ou un ellipsoïde dans un espace affin :


Imaginez maintenant que le pôle supérieur de cette surface - ou n'importe quel point, mais c'est plus facile à imaginer avec celui-là - soit rejeté à l'infini, vous obtenez ceci :


C'est-à-dire un superbe paraboloïde elliptique ; dans l'espace projectif, ces deux surfaces sont donc strictement équivalentes : elles se distinguent seulement dans l'espace affin, par le fait que la seconde possède un point à l'infini, elle est tangente au plan à l'infini, tandis que la première n'a aucun point à l'infini.
Mais ce qui est vraiment magique, c'est que la seconde de ces surfaces porte une structure naturelle de plan euclidien ; elle est un plan euclidien, comme nous allons le montrer. Les droites de ce plan sont les paraboles comprises à la surface du paraboloïde, les cercles sont ses ellipses. En effet, tout plan qui passe par le point à l'infini du paraboloïde, hormis le plan à l'infini lui-même qui lui est tangent, coupe le paraboloïde selon une parabole (c'est-à-dire une conique ovale avec un point à l'infini). Toute autre plan qui coupe le paraboloïde le rencontre suivant une ellipse. Ellipses et paraboles sont donc les deux seuls types de coniques présentes à la surface du paraboloïde elliptique. Et nous allons montrer qu'elles vérifient toutes les propriétés caractéristiques des cercles (pour les ellipses) et des droites (pour les paraboles) d'un plan euclidien.
Notons dès à présent, pour éviter toute confusion, que ce plan euclidien comprend évidemment, à part les cercles, des ellipses ordinaires, qui sont des courbes du paraboloïde ; mais ces courbes, qui sont des ellipses dans le plan euclidien ayant pour "droites" les paraboles, ne sont pas des ellipses dans l'espace affin ou projectif d'origine : ce sont des courbes gauches, qui ne sont pas des sections du paraboloïde par un plan. 
Il faudra donc bien distinguer entre : les "ellipses du paraboloïde", qui sont les cercles du plan euclidien défini sur sa surface ; 
et les ellipses du plan euclidien formé par les points du paraboloïde et ses paraboles (comme droites), qui, elles, sont des courbes gauches de l'espace tridimensionnel.
Plus précisément, nous montrerons que ce sont les intersections du paraboloïde avec tous les cônes ayant pour sommet son point à l'infini.

Ceci étant clarifié, voici comment on procède pour montrer que la surface d'un paraboloïde elliptique possède une structure de plan euclidien, avec comme droites les paraboles et comme cercles les ellipses (du paraboloïde) :

1. La surface du paraboloïde elliptique (moins un point) a une structure de plan affin, dont les droites sont les paraboles du paraboloïde. En effet, un paraboloïde elliptique dans l'espace affin complété réel 3D est une quadrique ovale tangent au plan de l'infini en un point O. Tout plan passant par O coupe le paraboloïde selon une conique tangente en O à la droite de l'infini de ce plan, c'est-à-dire une parabole. D'autre part, dans l'espace 3D, l'ensemble des droites par O a une structure de plan affin complété dont les points sont les droites par O et les droites les plans par O (avec le plan à l'infini comme droite à l'infini). On peut vérifier facilement que les points et droites ainsi définis vérifient les axiomes d'un plan projectif réel (voir l'article "Bereshit"), avec une droite fixée jouant le rôle de droite à l'infini, donc on a un plan affin complété réel. Or chaque droite par O, dans l'espace 3D, rencontre le paraboloïde en un et un seul point en plus de O (sauf les droites à l'infini), et chaque plan par O (sauf le plan à l'infini) rencontre le paraboloïde en une et une seule parabole ; si deux plans a et b par O ont leur droite intersection comprise dans le plan à l'infini, les deux paraboles correspondantes sont non sécantes (tangentes en O), sinon elles sont sécantes ; à trois plans (par O) passant par une même droite correspondent trois paraboles se coupant en un même point. Donc : il y a une correspondance biunivoque entre les points du plan affin et les points du paraboloïde, et entre les droites du plan affin et les paraboles du paraboloïde, telle qu'à trois droites concourantes ou parallèles (qui se coupent à l'infini) correspondent trois paraboles "concourantes" ou non sécantes, et de même à trois points alignés (qui sont trois droites coplanaires par O dans l'espace 3D) correspondent trois points appartenant à une même parabole ; ainsi, les points et les paraboles du paraboloïde vérifient les axiomes d'incidence d'un plan affin, avec les paraboles non sécantes comme droites parallèles. On peut aussi considérer le plan affin complété formé par le paraboloïde plus son plan tangent en O (le plan à l'infini de l'espace affin) : les points de ce plan sont les points du paraboloïde, moins O, plus les droites tangentes au paraboloïde en O. Ses droites sont les paraboles, complétées par leur tangente en O, plus le plan à l'infini (ou plutôt, le faisceau des droites à l'infini passant par O) J'espère que c'est assez clair jusque là.

Pour rendre cela plus limpide, voici un petit tableau reprenant les divers objets que nous venons d'énumérer, et indiquant leur nature dans les deux espaces différents où nous pouvons les considérer, l'espace affin 3D et le plan affin complété formé par la surface du paraboloïde plus le plan à l'infini.

Espace affin 3D
Plan affin complété associé au paraboloïde elliptique
Un point du paraboloïde
Un point
Une droite à l'infini passant par O ou une tangente au paraboloïde en O
Un point
Une parabole du paraboloïde avec sa tangente en O
Une droite
L'ensemble des droites à l'infini passant par O ou des tangentes au paraboloïde en O
Une droite (la droite à l'infini)
Une ellipse du paraboloïde
Un cercle

Il ne serait pas beaucoup plus difficile de montrer que les théorèmes de Desargues et de Pappus sont vérifiés, ne serait-ce que parce qu'à partir des droites coplanaires par O on peut définir univoquement le birapport (réel) de quatre points alignés du paraboloïde.
En résumé, ceci n'est pas une vraie démonstration mais on peut voir assez facilement que les points du paraboloïde moins O, avec les paraboles comme droites, forment un plan affin arguésien réel.

N.B. Pour rendre les choses aussi claires que possible, rappelons que dans le développement qui suit, nous allons travailler en alternance dans trois espaces différents quoique intimement reliés ; il y a :

- l'espace affin complété 3D, avec son plan à l'infini ; c'est un espace projectif 3D dans lequel on a fixé un plan, appelé "plan à l'infini" et qui joue désormais un rôle particulier ;
- le plan affin formé par les droites de l'espace affin 3D passant par le point (à l'infini) O ; les points de ce plan sont les droites de l'espace passant par O, ses droites sont les plans de l'espace passant par O, et sa droite à l'infini est le plan à l'infini de l'espace 3D ;
- le plan affin formé par la surface d'un paraboloïde elliptique passant par O, c'est-à-dire une quadrique ovale de l'espace projectif 3D, tangente en O au "plan à l'infini".

Nous serons amenés à considérer un même objet (point, droite, application...) successivement dans les trois espaces, il faudra donc suivre. Nous tâcheron de préciser le plus clairement possible dans quel espace nous nous situons à chaque instant, mais pour bien comprendre ces raisonnements typiquement projectifs, il est nécessaire de pouvoir "jongler" facilement avec ces espaces ; c'est une petite gymnastique mentale à laquelle on s'habitue très vite quand on fait de la géométrie projective. (Tout ceci reste essentiellement de la géométrie projective même s'il est question d'espaces affins et euclidiens ; ici un espace affin complété est envisagé comme un espace projectif dont un sous-espace maximal propre, droite ou plan, a été désigné comme sous-espace "à l'infini" afin de pouvoir définir une notion de parallélisme ; c'est le point de vue projectif.)
 
2. Concentrons-nous maintenant sur le plan affin formé par les points du paraboloïde ; nous n'avons pas besoin de considérer les points à l'infini qui sont les tangentes en O : ils servent uniquement à définir les parallèles, mais dans la structure euclidienne seuls importent les points "usuels", c'est-à-dire les points du paraboloïde. Ce plan est "naturellement" euclidien, en ce sens que les ellipses du paraboloïde - ses sections par des plans ne passant pas par O - constituent les cercles d'un plan euclidien.
On définit (géométriquement) un plan euclidien réel à partir d'un plan affin réel en fixant une ellipse e. Si C est le centre de cette ellipse, une rotation est une transformation affine du plan, fixant le point C, qui conserve globalement e (il y a aussi les antirotations, négligeons-les pour le moment). Un cercle est soit e, soit une ellipse image de e par la composée d'une homothétie de centre C et d'une translation (seules transformations affines qui fixent point par point la droite à l'infini). On montre qu'une rotation transforme un cercle en un cercle (du fait que sa restriction à la droite de l'infini commute avec les homothéties-translations, puisque celles-ci sont l'identité sur la droite à l'infini).
Il s'agit donc de montrer que les ellipses du paraboloïde sont toutes images les unes des autres par une homothétie-translation, autrement dit le groupe des homothéties-translations (sur la surface du paraboloïde) est transitif sur les ellipses (du paraboloïde) et qu'une rotation, définie à partir d'une ellipse fixée - c'est-à-dire une transformation affine de la surface du paraboloïde considérée comme plan affin, qui conserve une ellipse - change les ellipses en ellipses. De sorte que la surface du paraboloïde (moins O) est un plan euclidien, avec les ellipses du paraboloïde comme cercles.

3. Si vous avez suivi jusqu'ici, voici les grandes étapes de ma démonstration.
a) D'abord, étant donnée une ellipse du paraboloïde, où est son centre, dans son plan et sur le paraboloïde ? Le plan de cette ellipse coupe le plan à l'infini en une droite d ; le pôle de d par rapport à l'ellipse est son centre dans son plan, appelons-le C. Un autre plan passant par d coupe le paraboloïde selon une autre ellipse, dont le centre dans son plan est l'intersection de ce plan avec la droite OC. Autrement dit, toutes les ellipses appartenant à des plans passant par d ont leurs centres alignés sur une même droite passant par O. Très important : le centre de toutes ces ellipses sur le paraboloïde est l'intersection de celui-ci avec la droite OC (démonstration facile). Ne confondons pas leur centre sur le paraboloïde, en tant qu'ellipses du plan affin formé par celui-ci, et leurs centres dans leurs plans respectifs.
On sait donc maintenant comment définir le centre d'une ellipse sur le paraboloïde.
b) Montrons donc d'abord que deux ellipses concentriques (de même centre C) sur le paraboloïde sont transformées l'une dans l'autre par une homothétie de centre C. D'abord définissons une telle transformation. Dans le plan affin complété formé des droites par O (dans l'espace 3D), une homothétie c'est : une transformation affine, c'est-à-dire une bijection de l'ensemble des droites par O dans lui-même qui conserve la coplanarité, qui, de plus, fixe chaque droite à l'infini passant par O, et fixe globalement les plans passant par une droite a donnée passant par O, non à l'infini. Cette droite (de l'espace), qui est un point du plan affin complété, est le centre de l'homothétie. Dans un plan affin en effet, une homothétie n'est rien d'autre qu'une transformation affine qui fixe tout point à l'infini et les droites par un point non à l'infini donné. Là nous avons donc défini une homothétie dans le plan affin des droites par O ; on en déduit une homothétie dans le plan affin formé par la surface du paraboloïde : étant donné un point P du paraboloïde, on lui associe le point P', intersection de celui-ci avec la droite OP' qui est l'image de la droite OP par l'homothétie de "centre" la droite a ; le centre A de cette homothétie, sur le paraboloïde, est son intersection avec a ; on peut vérifier que cette transformation conserve l'incidence, et fixe globalement les paraboles passant par A, donc c'est bien une homothétie dans le plan affin formé par les points du paraboloïde. Reste à montrer qu'elle transforme un "cercle" de centre A en la même chose, c'est-à-dire une ellipse du paraboloïde en une ellipse de même centre A.
Deux telles ellipses sont les sections du paraboloïde par deux plans parallèles, c'est-à-dire qui se coupent sur le plan à l'infini, dont les centres dans leurs plans appartiennent à la droite OA. Par conséquent, elles sont l'image l'une de l'autre par une homothétie de l'espace affin 3D dont le centre appartient à OA. Or une telle transformation est évidemment bijective sur les droites, préserve la coplanarité (de trois droites), fixe le plan à l'infini point par point et fixe globalement chaque plan contenant OA ; donc c'est aussi une homothétie du plan affin des droites par O, de centre OA, et sa trace sur le paraboloïde est de même une homothétie du plan affin des points de ce dernier.

c) Reste à démontrer que, étant données deux ellipses quelconques du paraboloïde – non forcément concentriques – on peut amener leurs centres à coïncider au moyen d'une translation.
Dans le plan affin des droites par O, une translation est une transformation affine, donc qui fixe les droites à l'infini passant par O, et fixe globalement les plans passant par l'une d'elles (par une droite à l'infini par O donnée, qui est la direction de la translation). La trace d'une telle transformation sur le paraboloïde est une translation dans le plan affin de ses points.
Or, une translation t de centre un point à l'infini M, dans l'espace affin 3D, transforme une droite par O en une droite par O, trois droites coplanaires en trois droites coplanaires, et en outre elle conserve globalement tous les plans passant par M, donc en particulier ceux passant par la droite OM ; la restriction de t à l'ensemble des droites et plans par O est donc une translation du plan affin des droites par O. Si a et b sont des droites par O, il existe toujours une telle translation qui envoie a sur b. Sa trace sur le paraboloïde est une translation du plan affin de ses points qui envoie un point A donné sur un point B donné ; comme t est une translation de l'espace affin, elle transforme un plan en un plan ; sa trace sur le paraboloïde transforme donc une ellipse en une ellipse, et une ellipse de centre A en une ellipse de centre B. On sait déjà que ces deux ellipses sont homothétiques en tant que coniques du plan affin des points du paraboloïde. Il est donc possible de faire coïncider deux ellipses quelconques du paraboloïde par une translation suivie d'une homothétie.
4. Pour finir, étudions l'effet des rotations ; étant donnée une ellipse c du paraboloïde, de centre A, appelons rotation une transformation affine qui fixe A et qui conserve cette ellipse (on néglige ici la distinction entre rotations et antirotations). Montrons qu'une rotation r ainsi définie transforme une ellipse en une ellipse. Supposons que r transforme un point B de c en un point B' de c. Dans l'espace affin complété 3D, il existe une perspectivité axiale d'axe OA – c'est-à-dire une transformation affine qui fixe OA et fixe globalement les plans passant par une droite à l'infini donnée – qui fixe globalement toute ellipse centrée en A sur le paraboloïde et qui envoie B sur B' par exemple ; sa trace sur le paraboloïde est une affinité centrée en A et qui envoie B sur B', et comme cette affinité est unique, elle coïncide avec r. Mais comme elle est la trace d'une affinité de l'espace 3D, elle transforme toute ellipse du paraboloïde en une autre. Par conséquent, dans le plan affin formé par les points du paraboloïde avec les paraboles pour droites, les coniques qui sont des ellipses du paraboloïde forment un ensemble globalement invariant par homothétie, translation et rotation.
Tout ceci montre que la surface du paraboloïde possède une structure de plan euclidien, avec pour droites les paraboles et pour cercles les ellipses du paraboloïde (c'est-à-dire ses sections par des plans de l'espace). Cette structure est « naturelle » en ce sens que les paraboles et les ellipses du paraboloïde se distinguent « naturellement » des autres courbes que l'ont peut tracer sur sa surface parce que ce sont les seules qui sont des sections par des plans de l'espace ; et ces courbes sont respectivement les droites et les cercles d'un plan euclidien.
On peut évidemment aussi définir une structure de plan euclidien sur les points du paraboloïde en choisissant comme « cercle » une conique quelconque du plan affin formé par ces points, qui n'est pas forcément une section plane. Mais si l'on choisit une section plane, toutes les sections planes qui ne sont pas des paraboles deviennent des cercles ; l'ensemble des cercles ne dépend pas du choix d'une section plane particulière.

Notons qu'un plan euclidien réel peut être complété par un unique point à l'infini commun à toutes ses droites ; les cercles et les droites ne se distinguent plus dès lors que par le fait que les "droites" passent par O ; les "droites" sont en fait des cercles passant par O. Cette opération est appelée "complétion conforme", car le plan euclidien réel complété par un seul point à l'infini est appelé "plan conforme réel" : c'est un plan dans lequel la distinction entre cercles et droites est abolie. On le rencontre en cartographie : c'est le plan de la projection stéréographique. Dans ce plan, les transformations linéaires involutives correspondent à des inversions euclidiennes, transformations qui échangent les droites et les cercles passant par un point donné (le pôle d'inversion), raison pour laquelle on  l'appelle aussi plan inversif ; le plan conforme est donc la structure géométrique invariante par inversion euclidienne, tout comme le plan projectif est la structure invariante par projectivité (homographie). Or le plan conforme réel est isomorphe à une droite projective complexe ; c'est en fait une droite projective complexe. Le point à l'infini (réel) du plan conforme réel n'est autre que le point à l'infini (complexe) de la droite projective complexe. L'étude du paraboloïde elliptique telle que nous venons de la faire permet de mieux comprendre cette opération : si le plan euclidien en question est la surface du paraboloïde, son point de complétion conforme O est justement le point de contact du paraboloïde avec le plan à l'infini. Et l'on comprend dès lors pourquoi le fait de rajouter ce point rend les droites identiques à des cercles : c'est qu'en effet, les droites ne sont autres que les coniques planes du paraboloïde passant par O, tandis que les cercles sont ses coniques planes ne passant pas par O. La différence ne tient qu'à un point.

Toute cette construction, en fait, n'est pas absolument propre au paraboloïde elliptique ; un hyperboloïde à deux nappes possède également une structure de plan euclidien.

Hyperboloïde à deux nappes

Un hyperboloïde à deux nappes est une quadrique ovale coupée par le plan à l'infini selon une conique ovale c, sa conique à l'infini. Chacune des deux nappes possède une structure de plan affin avec comme droites les branches d'hyperboles intersections de l'hyperboloïde avec les plans de l'espace affin passant par un point à l'infini O donné, intérieur à la conique à l'infini. Sa droite à l'infini est bien sûr... la conique à l'infini ; il faut toutefois identifier les points de c appartenant à une même droite par O, c'est-à-dire que chaque couple (P, P') où P et P' sont deux points de c alignés avec O, sera compté comme un seul point (on peut aussi considérer l'ensemble de la surface comme un seul plan affin, en identifiant les points opposés par le point O). Il possède de plus une structure de plan euclidien avec les mêmes droites, et pour cercles, évidemment, ses ellipses appartenant à des plans ne passant pas par O. Par un raisonnement identique à celui exposé ci-dessus, on peut montrer que la classe de ces ellipses est invariante par le groupe des homothéties-translations, donc elles jouent le rôle des cercles d'un plan euclidien.
Maintenant, imaginons que nous faisons "glisser" progressivement le plan à l'infini (ou l'hyperboloïde, en  maintenant fixe le plan à l'infini, cela revient au même). Il y aura un moment où l'hyperboloïde sera tangent au plan à l'infini, de sorte qu'il deviendra un paraboloïde elliptique. Pendant ce mouvement, sa structure de plan euclidien n'a pas beaucoup changé ; les constructions que nous avons faites ci-dessus restent valables pour n'importe quelle position du plan à l'infini. L'hyperboloïde est toujours un plan euclidien - plus exactement un double plan euclidien, puisque chacune des deux nappes possède une structure identique - ; sauf qu'à un moment, l'hyperboloïde devient un paraboloïde, avec toujours la même structure de plan euclidien, mais un seul point à l'infini au lien d'une droite à l'infini (sauf si l'on considère le paraboloïde avec son plan tangent). Au cours de ce mouvement, nous voyons donc la droite à l'infini du plan euclidien complété se "contracter" en un point à l'infini, et c'est cette contraction qui le rend identique à une droite projective complexe.
Si l'on réfléchit bien, c'est le même processus de contraction qu'exprime le fait de remplacer les trois coordonnées homogènes réelles (X, Y, Z) par deux coordonnées homogènes complexes (X, Y), qui "transforme" un plan euclidien complété en une droite projective complexe ; car ce qu'on fait alors, concrètement, c'est qu'on décide que tous les points (à l'infini) de la forme (X, Y, 0) constituent un seul point, un point de coordonnées complexes (X + iY, 0). Mais cela veut juste dire que, dans l'espace vectoriel réel (dont les droites sont les points d'un plan projectif - cet espace vectoriel n'est lui-même rien d'autre que l'espace projectif 3D moins un "plan à l'infini" et fixé en un point), les droites du plan XY passant par l'origine, chacune définie par un vecteur directeur (X, Y), sont identifiées modulo une rotation arbitraire, car la multiplication ou la division par un complexe de module 1 quelconque représente une rotation autour de l'origine. On déclare en quelque sorte qu'une rotation dans le plan XY ne change pas la nature d'un "point à l'infini", c'est-à-dire d'une droite vectorielle de ce plan ; cela équivaut à contracter ces droites sur l'origine de ce plan, et le passage de l'hyperboloïde au paraboloïde est juste une autre manière de visualiser cette contraction, c'est-à-dire, soulignons-le encore une fois, le fait que les points à l'infini deviennent invariants par une rotation arbitraire (se réduisant ainsi à un seul point).